Evaluation des effets toxiques
La caractérisation de la toxicité des substances chimiques pour l’Homme, les animaux ou l’environnement, repose sur des données épidémiologiques et sur des études expérimentales.
l°) effets toxiques directs
- Les effets toxiques directs des polluants de l’environnement sur l'homme et les animaux domestiques s'évaluent de façon classique, essentiellement chez les rongeurs de laboratoire.
L’extrapolation des résultats de ces études pour estimer l’'impact de la pollution sur la santé est délicate, car il s'agit en général d'une exposition au toxique à très long terme, à de très faibles concentrations; de plus, il faut tenir compte de la possibilité d'effets conjugués de plusieurs polluants.
Ces études expérimentales ou épidémiologiques, conduisent dans un certain nombre de cas, à proposer pour l’Homme, une DJA (dose journalière admissible) dans les denrées, ou une CMA (Concentration Maximale Admissible) dans l'atmosphère, c’est à dire les valeurs maximales que l’ont peut tolérer sans mettre en danger sa santé.
- L'évaluation expérimentale des effets toxiques des polluants sur le milieu naturel est encore plus complexe que l'évaluation du risque toxique, direct ou alimentaire, pour l'homme et les animaux domestiques.
En effet,
1°) l'identité des récepteurs est inconnue, et il y a des dizaines de milliers de récepteurs potentiellement exposés
2°) ces récepteurs se situent à des niveaux d'organisation biologique différents. Il ne faut pas s'intéresser seulement aux individus, mais surtout aux populations, aux peuplements, aux biocoenoses.
3°) les récepteurs sont liés entre eux, par des relations de nature trophique ou autre, et l'effet négatif sur une population est source de risque pour les autres éléments de l'écosystème : les effets directs engendrent des effets indirects encore plus difficiles à apprécier.
La faune sauvage est souvent plus sensible que l'homme aux polluants de l'environnement pour plusieurs raisons:
1°) les animaux sont parfois exposés par des voies supplémentaires, par exemple le léchage du pelage
2°) l'exposition est plus forte lors de régime monophage
3°) la plupart des oiseaux et mammifères sont plus petits que l'homme, leur métabolisme est plus important → ils consomment proportionnellement plus de nourriture, boivent plus d'eau, respirent des volumes d'air plus élevés…
4°) les espèces animales sont plus étroitement inféodées à leur milieu que l'homme qui peut modifier son environnement (changer de nourriture, de domicile…)
L'évaluation expérimentale de l'écotoxicité fait appel
- d'une part à des tests monospécifiques : ils présentent l'avantage d'être rapides, reproductibles, peu coûteux, mais l'inconvénient de manquer de réalisme écologique.
- d'autre part à des essais intégrés, c'est à dire des essais plurispécifiques ou des chaînes trophiques expérimentales, dans des microcosmes (<15m3 ou 15m de long) ou des mésocosmes (> 15 m3 ou 15 m ).
* Le danger de la pollution terrestre est estimée à partir de tests réalisés sur
le lombric : détermination de la CL50 14 ou 28j
les insectes : les abeilles, les collemboles, les cétoines...
les escargots
les isopodes
les plantes supérieures : CI50 pour la germination de semences placées dans un sol contaminé, mesure de l'inhibition de croissance de végétaux divers …
les oiseaux : évaluation de la DL50 (ou CL50 dans l'alimentation) pour la caille japonaise ou le canard colvert et études des effets sur la reproduction pour l’évaluation du risque à long terme
NB : La CL50 ou la DL 50 sont des valeurs expérimentales, correspondant à la concentration ou la dose létale pour 50% des animaux de l’essai. Elles représentent donc une approche quantitative de la potentialité toxique « moyenne » de la substance .
Mais l'évaluation du risque sur le terrain à partir de ces seuls résultats est difficile. Pour les oiseaux et les vertébrés terrestres, l'exposition en conditions réelles se fait par plusieurs voies et pas seulement par le biais de l'alimentation : ingestion de terre polluée, inhalation, contact…
De plus, pour prédire les effets écologiques, il faut pouvoir disposer d'informations sur la densité et la distribution spatiale de la population. Certaines espèces sont inféodées au site (ver de terre…) d'autres ne le fréquenteront qu'épisodiquement.
Les informations sont inexistantes ou très limitées sur de nombreux groupes zoologiques d’invertébrés, mais également sur les amphibiens et les reptiles.
* En milieu aquatique, les conditions sont plus facilement reproductibles en laboratoire et la normalisation des essais d'écotoxicité aquatique est beaucoup plus avancée que celle concernant les écosystèmes terrestres.
Les tests sont réalisés sur les algues, les daphnies ou les poissons : détermination de la CL50 ou CE50 (concentration effective sur l’inhibition de la germination, de la croissance, de la reproduction..) Dans le cas des organismes aquatiques, les animaux baignant dans le milieu pollué, la dose absorbée est inconnue; on peut cependant la considérer comme proportionnelle à la concentration du toxique dans l'eau et à la durée de l'exposition
En appliquant un facteur de sécurité (pouvant varier entre 10 et 1000) aux données expérimentales de toxicité, on détermine une PNEC (predictable no effect concentration) ou CSEP (concentration sans effet prévisible). Cette PNEC servira de valeur de référence pour estimer le risque d’effets néfastes d’un polluant pour lequel on connaît la PEC (predictable environmental concentration) ou dont on a mesuré la concentration dans l’environnement : si la PEC ou la concentration mesurée est < à la PNEC, le risque est peu probable, et inversement dans le cas contraire.
2) effets indirects
Les effets indirects, tels que la perturbation de la composition de l'atmosphère par les gaz propulseurs des aérosols ou bien les précipitations acides liés aux rejets d'oxydes de soufre ou d'azote, sont encore plus difficiles à apprécier car les situations ne peuvent être mimées dans des conditions de laboratoire.