Deséquilibre des écosystèmes
La pollution peut être responsable d'effets toxiques aigus ou chroniques pour les écosystèmes :
- effet aigu, lorsque le toxique est introduit brutalement à une concentration élevée dans le milieu; on observe un déséquilibre brusque de l'écosystème, avec mortalité massive d'un grand nombre d'organismes appartenant à des niveaux trophiques différents.
- effet chronique, lors d’exposition à des concentrations faibles mais prolongées. On observe alors une modification progressive de l’écosystème, qui pourra au final entraîner des changements aussi graves qu’un accident aigu.
L'action écotoxicologique d'un polluant dépend de sa concentration et de la durée de l'exposition (fig 2).
On peut craindre
- des effets démoécologiques : à l'échelle de la population
Une pollution provoque généralement, plus ou moins brutalement, la mort d'un certain nombre d'individus des populations sensibles. Cependant, ces populations ne seront pas forcément décimées. En effet, il est fréquent que tous les individus d'une population n'expriment pas toutes leurs capacités, en particulier reproductrices, en raison d’un effet de masse et de phénomène de compétition intraspécifique. Il peut donc y avoir une réponse au polluant par augmentation du taux de survie ou du taux de reproduction chez les individus dont les performance n'auront pas été altérées.
Il peut alors se manifester une action sélective sur les individus, aboutissant à la sélection d'un phénotype particulier.
C'est l'exemple classique du mélanisme industriel sur la phalène du bouleau : le développement industriel a facilité la disparition des papillons de teinte claire, car ils étaient plus facilement visibles par leurs prédateurs sur les troncs et branches noircis par la fumée. Les insectes de couleur sombre se sont en revanche multipliés et les populations de phalènes n’ont finalement plus compté que des papillons foncés.
Les effets à moyen ou long terme conduisent souvent à une baisse de croissance des populations les plus sensibles, en raison de perturbation de la fécondité ou de la fertilité et de l'augmentation de la mortalité juvénile.
Les populations à fort degré d'hétérogénéité démographique ou génétique résistent beaucoup mieux à la pollution que les populations homogènes.
Outre ces effets toxiques physiologiques, on redoute également de la part des polluants, des effets génotoxiques (mutations, adduits à l’ADN, lésions chromosomiques…) pouvant conduire à une altération du matériel génétique de la population. L’étude de ces phénomènes correspond à une nouvelle discipline : l’écogénotoxicologie
- Puis des effets biocoenotiques : sur l'ensemble de la communauté
L'effet toxique direct sur une ou plusieurs populations peut avoir des répercussions directes sur toute la biocénose, en raison des interactions multiples entre les espèces.
La pollution peut ainsi entraîner
* une modification de la pression alimentaire sur les producteurs
Le plus souvent par augmentation de la sensibilité des végétaux aux consommateurs primaires
Ainsi, par exemple, les insectes attaquent plus facilement les plantes exposées au dioxyde soufre (SO2);
la pollution atmosphérique peut donc favoriser la pullulation des ravageurs.
* une réduction de la biodiversité : l
L'élimination directe des espèces les plus sensibles entraine la disparition de leurs prédateurs. Si les prédateurs sont touchés d'abord, il s'ensuivra une pullulation des espèces proies
* un effet sur les successions végétales ou animales
L'exposition permanente à un polluant toxique maintiendra la communauté à un stade juvénile et non climacique, où seules les espèces les plus tolérantes pourront survivre.
* un effet sur la dominance
Les espèces spécialisées sur le plan alimentaire sont plus affectées que les généralistes
* une perturbation de la décomposition des matières organiques et du cycle des éléments,
par action directe sur les bactéries et les invertébrés saprophages
La figure 2 schématise l’impact progressif d’un polluant sur un écosystème
Fig 2 . Conséquences écologiques d’une pollution en fonction de son intensité
L'impact sur la biocenose peut se caractériser du point de vue numérique et du point de vue fonctionnel :
* caractérisation numérique : indice d’abondance et de fréquence des espèces
Mais ces indices ne reflètent pas le fonctionnement.
* caractérisation fonctionnelle : étude des modifications des relations intra et interspécifiques : compétition-prédation-coopération. Etude de la constance et de la dominance